La loi sur l’égalité (LEg RS 151.1) du 24 mars 1995 a pour but de promouvoir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes dans le monde du travail (art. 1er LEg).
Il s’agit d’une loi transversale de portée générale, qui s’applique (art. 2 LEg) :
- à toutes les travailleuses et travailleurs régis par un contrat de travail relevant du Code des obligations – soumis ou non à une convention collective ou à un contrat-type de travail (ex : construction, services, transports, etc.; saisonniers, requérants d’asile, frontaliers, permis B, permis C, etc.; apprentis, voyageurs de commerce, location de services, etc…);
- à tous les fonctionnaires fédéraux, cantonaux, et communaux, à tous les autres agents de l’Etat (ex : employés permanents, non permanents et à l’essai, etc…, aux agents spéciaux tels que professeurs et assistants des EPF, membres des commissions extra-parlementaires, collaborateurs personnels des chefs de département, buralistes postaux, agents recrutés par contrat de droit privé, etc…) ;
- aux femmes et aux hommes, indistinctement.
Restriction du champ d’application
Certaines règles concernant les congés – discriminatoires et de rétorsion (voir Bébé est né – de retour au travail – Le congé discriminatoire) de même que la procédure en cas de discrimination à l’embauche et diverses règles de procédure civiles ne concernent que le secteur privé. En effet, les réglementations de droit public sur le personnel contiennent la plupart du temps des règles spécifiques et instaurent des autorités distinctes.
Interdiction expresse de discriminer
La loi interdit de discriminer les travailleurs/euses à raison du sexe – soit directement soit indirectement – notamment en se fondant sur leur état civil, leur situation familiale, et, s’agissant des femmes, leur grossesse (art. 3 al. 2 LEg).
Traiter une femme différemment du fait de sa grossesse ou qu’elle a de jeunes enfants est donc illégal. Il en est de même de toute inégalité de traitement qui résulterait du fait qu’elle allaite, quand bien même cette dernière éventualité n’est pas mentionnée comme telle dans la loi (art. 3 LEg).
Exemple: Offrir un poste moins intéressant et moins bien payé à la travailleuse qui reprend son travail après le congé maternité.
Exemple: ne pas accorder à la travailleuse un cours de perfectionnement, au motif qu’elle a déjà bénéficié d’un congé maternité.
Interdiction de travailler
- Les accouchées ne peuvent être occupées durant les huit semaines après l’accouchement.
- De la huitième à la seizième semaine, elles ne peuvent l’être que si elles y consentent (art. 35a al. 3 LTr).
Pratiquement, la femme qui bénéficie d’un congé maternité fédéral de 14 semaines n’est concernée par ces dispositions que pour la période allant de la 14 à la 16ème semaine.
N’étant pas obligée de travailler durant ces deux semaines, elle pourra ainsi décider, à l’échéance de son congé maternité de 14 semaines, de reprendre ou non son travail, ou de le prolonger de deux semaines. Son salaire n’est pas dû durant ce laps de temps, à moins d’un accord entre les parties. Il en va autrement si, elle est à ce moment-là en incapacité de travail, dûment attestée médicalement. Elle pourra, dans ce cas, être rémunérée sur la base de l’art. art. 324a CO.
Protection contre le licenciement
Une femme qui est licenciée après son congé maternité peut être victime d’une résiliation discriminatoire. En effet, certains employeurs n’hésitent pas à licencier leurs employées à l’issue de la période de protection de 16 semaines, par crainte que leurs nouvelles obligations familiales affectent leur présence au travail.
Dans ce cas, le licenciement est discriminatoire car il ne repose pas sur des considérations objectives, comme la qualité du travail ou des raisons d’ordre économique, mais sur le statut de la femme (ex : arrêt de la Cour d’appel des prud’hommes de GE du 13.03.2010 in leg.ch). Un licenciement discriminatoire est un congé abusif (art. 3 LEg qui renvoie à l’art. 336 CO). La travailleuse a la possibilité de le contester, mais pas d’en demander l’annulation. Elle ne peut pas non plus demander son réengagement. Son emploi est perdu ! Elle pourra en revanche prétendre à une indemnité. Si les rapports sont de droit public, le congé peut être contesté et il peut être exigé de l’employeur qu’il y renonce.
Pour décourager l’employeur d’éventuelles représailles si la travailleuse fait valoir ses droits, la loi a instauré des règles qui sanctionnent le congé de rétorsion. La loi sur l’égalité réglemente ces deux types de congés. La distinction entre les deux n’est pas forcément aisée.
Exemple: Une femme au bénéfice de mesures de protection pendant l’allaitement reçoit son congé au-delà de la période de protection contre les licenciements de 16 semaines. Congé discriminatoire ou de rétorsion ? S’il y a eu litige sur les mesures à prendre, il s’agit d’un congé de rétorsion. Dans le cas contraire, d’un congé discriminatoire. La distinction est d’importance puisqu’un congé de rétorsion est annulable, tandis qu’un congé discriminatoire reste valable tout en donnant droit à une indemnité.
A. Le congé discriminatoire
Pour obtenir l’indemnité, la personne qui se dit victime d’une résiliation discriminatoire de son contrat de travail doit faire opposition au congé par écrit auprès de l’employeur au plus tard jusqu’à la fin du délai de congé (art. 9 LEg qui renvoie à l’art. 336b CO).
Exemple: Travailleuse à temps partiel, Mme Y reçoit son congé et constate que tous les travailleurs à temps partiel, c’est-à-dire une forte majorité de femmes et particulièrement les plus âgées, ont également reçu leur congé.
Dans ce cas, il s’agit d’une discrimination indirecte : le critère du temps partiel est objectif et ne vise pas un sexe en particulier, mais dans la réalité, il touche principalement les femmes. Le congé donné à Mme Y et ses collègues apparaît bien comme discriminatoire.
Allègement du fardeau de la preuve
L’existence d’une discrimination est admise dès lors que la personne qui s’en prévaut apporte un faisceau d’indices qui la rend vraisemblable (art. 6 LEg).
L’apport de la preuve est facilité. Mais une travailleuse ne peut se contenter d’affirmer qu’une discrimination existe. A l’inverse, on n’exige pas non plus d’elle de preuves concrètes. Il suffit que le juge puisse disposer d’indices objectifs suffisants pour que la discrimination lui paraisse vraisemblable (ATF 130 III 145). Malgré cet allègement du fardeau de la preuve, l’issue du procès peut rester aléatoire.
Indemnités
Si l’opposition est valable, la travailleuse, qui a reçu le congé, peut prétendre à une indemnité. Les parties peuvent également convenir de maintenir les rapports de travail sur une base volontaire car la loi ne les y oblige pas.
Une telle indemnité n’a pas le caractère d’un salaire. Cela signifie que les déductions sociales ne sont pas opérées sur l’éventuel montant qui serait accordé. Elle se veut à la fois punitive (et par là-même dissuasive) et réparatrice et est allouée même si la travailleuse n’a subi aucun dommage (ex. elle a retrouvé un emploi immédiatement pour un salaire équivalent et ne subit de ce fait pas de perte de salaire).
Elle est fixée sur la base du salaire auquel la personne licenciée avait droit et en fonction de toutes les circonstances. La loi prévoit un maximum de 6 mois du salaire. (art. 5 al. 2 et 4 in fine LEg).
La travailleuse peut en outre réclamer des dommages-intérêts supplémentaires pour le dommage réellement subi et une éventuelle réparation pour tort moral (art. 5 al. 5 LEg) ou faire valoir d’autres prétentions plus favorables qui pourraient ressortir de dispositions contractuelles.
Procédure
La travailleuse doit faire opposition par écrit durant le délai de congé. Ensuite, il lui faudra agir par voie d’action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de perdre définitivement son droit (renvoi de l’art. 9 LEg à l’art. 336 b al. 2 CO). Pour le surplus, on peut se référer aux règles sur la procédure unifiée décrite dans le cadre du congé de rétorsion ci-après.
B. Le congé de rétorsion (ou congé de représailles)
La loi interdit le congé qui serait donné à la travailleuse du seul fait qu’elle s’est plainte d’une discrimination. On parle de congé de rétorsion ou de représailles. Un tel congé n’est pas nul. Il reste valable mais est annulable à certaines conditions (art. 10 al. 1 LEg). Si l’annulation judiciaire est admise, elle produit ses effets rétraoctivement. Les parties se retrouvent dans la même situation qu’avant le licenciement. Pour prétendre au salaire, la travailleuse doit avoir proposé à son employeur de reprendre son travail.
Il y a congé de rétorsion lorsque le congé:
- n’a pas été donné pour des motifs justifiés (par exemple non-respect des instructions de l’employeur, faute grave, etc.)
et
- fait suite à une réclamation adressée par la travailleuse à un supérieur ou à un autre organe compétent au sein de l’entreprise
ou
- fait suite à une requête de conciliation ou à l’introduction d’une action en justice.
Les questions de procédure sont exposées en détail dans le Manuel Informaternité sur CD-Rom que l’on peut commander auprès de Travail.Suisse.